Boris Cyrulnik
Je n'aurais pas eu un léger différend avec la carrière scientifique, j'aurais fait médecine. Option psychiatrie. Ou alors, je me serais orientée vers la psychanalyse...
Sans doute parce que j'en tiens une bonne couche moi-même, mais ces matières m'ont toujours fascinées.
Mais voilà, les choses ont tourné différemment et je me suis lancée dans la grande aventure de la filière L, ses jouissives 8h de philosophie en Terminale (et je suis absolument sincère) et ensuite, Sciences-po. Et bien croyez-le ou non, mais j'y ai recroisé ces disciplines pour lesquelles je découvre en moi tant d'intérêt : en Terminale, avec les cours consacrés à l'inconscient et aux théories freudiennes de l'interprétation, puis à Sciences-po avec une conférence d'un psychiatre spécialiste des perversions sexuelles (dans le cadre d'un séminaire juridique sur la question de la responsabilité), et enfin ici à Madrid, à l'occasion d'une conférence de Boris Cyrulnik, neurologue, psychiatre et éthologue français de grand renom.
Je remercie encore ma chère Elemm de m'avoir recommandé de m'y rendre, c'était effectivement très riche, et intéressant ! Malheureusement, ça n'a duré que trop peu de temps, puisque Cyrulnik était attendu à Barcelone pour un colloque et a restreint son intervention à une grosse demi-heure.
Il nous a parlé se son nouvel ouvrage (enfin du moins de la traduction de celui-ci en espagnol) : Autobiographie d'un épouvantail, et a commencer par définir cet épouvantail que devient celui qui, blessé par un évènement traumatique, se retrouve séparé des autres, leur fait peur, les éloigne de lui-même en cherchant à leur faire partager son traumatisme. Celui qui "casse l'ambiance" ou qui instaure un malaise, qui inspire la pitié, bref, qui se retrouve à part. Et Boris Cyrulnik d'insister sur la nécessité de l'existence d'un espace de parole, par lequel le blessé va pouvoir raconter cette expérience et s'en libérer. Pour lui, ce sont le roman, le cinéma, le théatre mais aussi l'engagement politique, dans une association, etc...
Le rôle fondamental des artistes (dans lesquels il intègre les psychologues et autres philosophes) est pour Cyrulnik de servir de porte-parole : "Ce n'est pas moi, je ne suis pas l'épouvantail, mais je raconte quand même ma souffrance, je la partage sans pour autant que vous voyiez sa marque sur moi".
Il explique en effet que c'est toujours face à un rejet de la part des autres -réel ou supposé- que le blessé s'ampute d'une partie de lui-même, enfouit sa blessure, pour rester intégré au reste de la condition humaine (son traumatisme l'excluant des autre en en faisant une personne différente, à part).
Cyrulnik a d'ailleurs mis en garde contre la croyance -erronée- de certains blessés qui croient s'en sortir par une opération de masochisme mental. En gros, c'est le processus par lequel il attache tellement d'importance à l'Autre qu'il sacrifie sa propre personnalité, il considère que l'intérêt de l'autre mérite qu'il se dépersonnalise...
Il a d'ailleurs soulgné que c'est un danger qui guette les thérapeutes, qui pour préserver leur patient s'oublient eux-mêmes, et parlait du taux de dépression important dans sa profession. Et puis il a insisté sur le fait que ce qui compte dans une analyse, ce n'est pas le fait, mais la représentation qu'en a la personne.
Il donne l'exemple de bébés légers prématurés filmés à la naissance qui se séparent de leurs mères, n'établissent pas de contact visuel avec elle, etc... et qui des années après, disent que "tout est toujours allé très bien" avec elles. Ce qui est important, ce n'est pas le fait -dont on a pourtant la preuve manifeste, une vidéo- mais la représentation que la personne a de l'évènement, ce par quoi elle s'est construite et définie.
Voilà, désolée si je vous ai ennuyé avec ce post didactique... Mais ce qui me fascine avec ce genre d'interventions, c'est qu'elles me rappellent toujours furieusement des évènements vécus.
Par moi, ou par d'autres...